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La cheminée de l'usine Cavrois-Mahieu

Cette cheminée qui était un des emblèmes de l'ancienne et première usine Cavrois-Mahieu, située rue Chanzy, a disparu du paysage roubaisien. Cette ville connue comme celle aux 1 000 cheminées, voit s'évanouir un élément patrimonial.



La cheminée rue du Général Chanzy à Roubaix, à proximité de l'ancienne usine Cavrois transformée en lofts.

Un article paru le jeudi 30 mai 2019 dans la Voix du Nord (édition de Roubaix)




L’effarante et soudaine démolition d’une cheminée d’usine du XIX e siècle  

Un article de Bruno Renoul (brenoul@lavoixdunord.fr)

La cheminée de l’ancienne filature de coton Cavrois-Mahieu vit ses dernières heures : il ne restera bientôt plus que sa base.

La cheminée de l’ancienne filature de coton Cavrois-Mahieu, rue Chanzy à Roubaix, est en cours de démolition. C’est la justice qui l’a ordonné en raison d’une menace d’effondrement. La mairie et les défenseurs du patrimoine industriel s’émeuvent et dénoncent un manque d’entretien de la structure. 


Peut-on démolir une cheminée d’usine de 42 mètres de haut, datant de 1865, et qui est l’une des dernières intactes à Roubaix ? On pensait que non. Mais c’est apparemment possible, si elle présente un risque d’écroulement.

C’est ce qui est en train de se passer du côté de l’ancienne filature de coton Cavrois-Mahieu, devenue ensuite Lepoutre-Wibaux. Située rue du Général-Chanzy, elle est en cours de déconstruction depuis dix jours, et sa disparition doit être actée d’ici quelques semaines. À terme, l’intégralité du conduit aura disparu, et il ne demeurera plus que son socle, qui s’élève à une dizaine de mètres.

Selon les éléments que nous avons pu recueillir, c’est la justice qui a imposé à la copropriété qui gère l’ancienne usine, transformée en lofts et en appartements il y a une dizaine d’années, de mettre à terre ce morceau d’histoire de Roubaix.

Au départ de l’affaire, en mars, des morceaux de briques se sont décrochés de la cheminée, endommageant des véhicules garés en contrebas. « Il y a eu un arrêté de péril imminent pris par la municipalité, puis plusieurs expertises sont arrivées à la conclusion qu’elle risquait de s’effondrer », explique le président du conseil de copropriété, Bruno Gibert, qui souligne que la cheminée penchait de manière inquiétante.

La reconstruction avait été demandée

Une première décision de justice, en avril, a imposé à la copropriété de réduire sa hauteur de 15 m. À ce moment-là, les Bâtiments de France et la municipalité ont demandé aux 76 propriétaires une reconstruction à l’identique, comme cela a été fait par exemple l’an dernier au centre commercial l’Usine. « Or aucune entreprise n’a voulu prendre ce risque, personne n’était en mesure de certifier que la base restante de la cheminée aurait été assez solide pour permettre une telle reconstruction », indique Bruno Gibert.

Les copropriétaires n’avaient de toute façon guère envie d’assumer seuls le coût d’une telle opération. « Cette cheminée a bien sûr un intérêt patrimonial, mais nous, on a un intérêt financier, c’est notre portefeuille qui guide notre décision, or aucune aide n’était visiblement possible », reconnaît le président du conseil de copropriété. Devant l’urgence, une seconde décision de justice a alors imposé la destruction totale.

Celle-ci ne sera pas neutre non plus financièrement pour les propriétaires de l’ancienne usine. En comptant le relogement de la dizaine de familles qui ont dû être évacuées de leurs habitations situées à proximité immédiate de la cheminée, Bruno Gibert parle d’une ardoise à 200 000 euros. La perte pour le patrimoine roubaisien, elle, est inestimable.

Cette cheminée  a bien sûr un intérêt patrimonial, mais nous, on a un intérêt financier.


La mairie  dénonce   un manque d’entretien 

Dans la « ville aux mille cheminées », qui n’en compte en fait plus que 37, cette démolition précipitée d’un des emblèmes de l’histoire industrielle de Roubaix fait tache. À l’association du Non-Lieu, qui défend la préservation de ce patrimoine, l’affaire ne passe pas. « C’était une des rares à être restée intacte, car les cheminées de Roubaix ont pour la plupart déjà été rabotées », enrage Olivier Muzellec, écœuré par cette affaire.
La mairie dit avoir été placée devant le fait accompli. « On aurait aimé qu’elle soit seulement réduite de moitié, mais le tribunal en a décidé autrement, suite aux expertises. On ne peut rien contre une décision de justice ! », regrette Max-André Pick (LR), le premier adjoint en charge de l’urbanisme.

Les antennes-relais auraient fragilisé la structure

L’élu pointe surtout le défaut d’entretien de la structure, qui a selon lui mené à ce désastre. Pourtant, la copropriété touchait près de 7 000 euros par an de la part des opérateurs qui avaient installé des antennes-relais au sommet de la cheminée. « D’après nos infos, cet argent n’a pas été utilisé pour l’entretenir. Pire, d’après les experts, la façon dont les antennes-relais ont été installées par les opérateurs aurait fragilisé la structure », estime-t-il. Un constat qui vient confirmer les craintes du Non-Lieu, qui pointe depuis le début le danger de ces installations pour les cheminées d’usine.


Pour l’élue au patrimoine Véronique Lenglet, on est ici devant « un bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire ». Elle et Max-André Pick veulent s’atteler à renforcer la protection des cheminées, et réfléchissent à la possibilité de forcer leurs propriétaires à effectuer un entretien régulier. « Il ne faudrait pas qu’on arrive à un système où les gens laissent dépérir leurs cheminées pour se retrouver contraints à la démolition », prévient le bras droit du maire. En attendant, la ville va peser de tout son poids pour convaincre la copropriété de reconstruire cette cheminée.






Les imposantes antennes-relais qui ont fragilisé la cheminée


La première usine Cavrois a été transformée en lofts. Sur ces clichés pris lors des Journées Européennes du Patrimoine, la cheminée se dresse encore fièrement, bien que très disgraciée par des antennes-relais qui finalement seront à l'origine de sa disparition en la fragilisant